Baptiste Morizot est un philosophe, écrivain, mais c’est aussi un grand amateur de nature sauvage et pratiquant de l’art de pister les animaux, c’est-à-dire d’essayer de suivre leur trace, comprendre leurs actions, leurs déplacements…
Il nous livre de délicieuses aventures à la recherche de loups, d’ours ou de panthère des neige. Et ces récits sont à la fois de belles pages de littératures, et surtout la base d’une réflexion sur le sauvage, sur l’altérité.
Les deux options fournies par la culture occidentale […] d’un côté, le mythe despotique qui stipule qu’il faut vaincre la nature pour la civiliser ; de l’autre, une écologie arcadienne qui rêve une nature sans hostilité. Mais les animaux sauvages ne sont pas nos amis, comme dans le fantasme contemporain qui érige nos anomaux domestiques en modèle de toute animalité ; ils ne sont pas non plus des bêtes à vaincre pour accomplir notre destinée civilisatrice.
Il nous invite nous aussi à réfléchir à quelle société nous voulons. Si nous souhaitons tout nettoyer ou vivre au pays de Disney ou tout le monde est gentil… Il propose une troisième voie, celle de la diplomatie, qui considère les animaux sauvage ni en amis (dociles ?), ni en ennemis sanguinaires et dangereux. Une voie du vire ensemble en quelque sorte…
Il s’agit du courage étrange de confronter une altérité sans conclure que, parce qu’elle est dangereuse, elle constitue un ennemi absolu.
Et si cette leçon de nature pouvait s’appliquer à d’autres pans de notre société, loin des sombres forêts et des grands alpages ? Et si, derrière ces réflexions autour du loup ou de l’ours, il y avait une vraie recherche de notre propre humanité ?
Vincent Henn, Die, décembre 2020
(Les citations sont extraites du livre paru chez Actes sud en 2018)